Alors que les perspectives économiques de la Chine s'assombrissent et que la confiance des consommateurs s'effrite, les marques internationales opérant en Chine doivent prendre des décisions stratégiques cruciales : continuer à attendre un rebond ou réorienter leurs efforts vers des marchés plus stables ?Cette question revient sans cesse lors de mes rendez-vous, formels ou informels, depuis plusieurs mois : « Cyril, qu’en penses-tu ? Est-ce une crise structurelle ou conjoncturelle ? Que disent tes contacts ? Quel est le ressenti des consommateurs et de tes amis chinois ? »
Les inquiétudes ont véritablement commencé à prendre forme lorsque LVMH a signalé une baisse inattendue de 3 % de ses revenus au troisième trimestre, alors qu’une hausse de 1 % était attendue. Bien que la faible croissance au Japon ait été citée comme un facteur contributif, l’inquiétude majeure demeure la Chine. LVMH a indiqué que la confiance des consommateurs en Chine continentale était retombée aux niveaux observés pendant la période Covid. En effet, les ventes en Asie (hors Japon) ont chuté de 16 % par rapport à l’année précédente.
Ces résultats ont soulevé des questions quant à la confiance des consommateurs chinois, un indicateur clé pour de nombreuses entreprises de biens de luxe. Sans surprise, la plupart des entreprises du secteur du luxe ont vu leurs actions chuter après ces annonces. L’année 2025 s’annonce probablement encore plus complexe pour l’industrie du luxe française en Chine.
Deux questions fondamentales se posent.
La première est de savoir si la situation du secteur du luxe est représentative de la situation économique globale en Chine. Pour l’instant, la réponse semble être affirmative. Bien que Nestlé ait publié des résultats montrant une croissance organique de 2,5 % de ses revenus en Chine au troisième trimestre, elle a également noté une baisse de ses prix de 1,5 %, reflétant un environnement général de pression sur les prix. Cela tend à confirmer que la Chine est en proie à des pressions déflationnistes, exacerbées par l’hésitation des consommateurs à dépenser face aux incertitudes économiques.
Nous travaillons actuellement avec plusieurs marques automobiles chinoises, et il est évident que les budgets marketing sont en baisse. Les exigences des clients augmentent, les délais de paiement s’allongent (ce qui n’était déjà pas idéal), et les équipes sont de plus en plus stressées. La surproduction est bien présente, et les marchés faciles à l’export, tels que la Russie, l’Iran, le Moyen-Orient et l’Asie du Sud-Est, ne suffiront pas à absorber les stocks existants.
La deuxième question est plus complexe : ces effets sont-ils temporaires ou signalent-ils un nouveau paradigme économique ?
À l’échelle mondiale, les nouvelles économiques ont été plutôt positives cette année—sauf en Chine. Après la levée des restrictions Covid, un effet de rebond était attendu et a effectivement eu lieu. Il y a deux ans, à la même époque, nous faisions encore des tests Covid quotidiens ! Cependant, ce rebond a été de courte durée : par exemple, le loyer des appartements dans mon quartier a chuté de près de 20 % en deux ans, et les cours de yoga en centre-ville sont beaucoup moins fréquentés.
Qu’est-ce qui pourrait alors changer la donne ?
Le plan de relance de plus de mille milliards de dollars du gouvernement chinois semble être la réponse évidente, mais avec plus de 60 % de la richesse des ménages investie dans un marché immobilier instable, son efficacité reste à démontrer.Il est clair que le pays a changé. Mes amis chinois considèrent cela comme une nouvelle normalité : moins de croissance, moins de spéculation immobilière, moins d’argent facile en bourse. Tout le monde savait que la croissance avait ses limites, même en Chine.
Cependant, il existe encore de nombreuses opportunités dans des marchés de niche en Chine. On parle beaucoup en ce moment des parfums, des compléments alimentaires, de l’artisanat d’art, etc. Je rencontre chaque semaine des entrepreneurs chinois qui bouillonnent encore de projets pour la Chine et le reste du monde. Rien que la semaine dernière, j’ai échangé avec un leader du secteur du thé, une entreprise spécialisée dans les batteries domestiques, et une marque de luxe chinoise qui se recentre sur le marché local. Il ne faut jamais oublier que ce pays est immense, et donc rempli d’opportunités.