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Je m’appelle Cyril Drouin, français ayant résidé en Chine pendant de nombreuses années. Après avoir passé sept ans comme CEO de Publicis Commerce et Performance marketing Chine, où j’ai piloté des projets de commerce, de marketing à la performance et de création, j’ai fondé une agence transfrontalière appelée BeyondBorderGroup. Notre agence aide les marques chinoises à s’implanter à l’international tout en accompagnant les entreprises globales à entrer sur le marché chinois. Nous offrons une gamme complète de services, allant du branding à la création de contenu, en passant par la gestion des réseaux sociaux, la planification média, les relations publiques, les expositions, la distribution, la logistique et bien plus encore.
Quel est votre avis sur l’économie du livestreaming, en Chine et à l’international ?
En Chine, l’économie du livestreaming est beaucoup plus orientée vers le commerce qu’en Occident. Ici, la plupart des lives sont transactionnels, axés sur le e-commerce ou les dons. En revanche, en Europe et aux États-Unis, la vente directe par livestream est encore perçue comme plus complexe et moins intuitive pour les consommateurs. Par exemple, Amazon Live peine à vraiment décoller, et les ventes générées restent faibles. Les sessions live sur Instagram et Facebook n’attirent pas suffisamment de trafic pour le e-commerce. Shopify, par exemple, ne propose pas encore le live commerce en standard dans son offre de base, ce qui montre bien la différence d’adoption entre les régions.
Pouvez-vous partager votre expérience de la localisation des marques internationales en Chine ?
Ces dernières années, nous avons localisé des marques de beauté, d’alimentation et de mobilier pour le marché chinois. Les premières étapes consistent à créer un nom et un logo de marque en chinois, adapter les supports visuels comme les photos et vidéos, ouvrir des comptes sur les réseaux sociaux et les plateformes de e-commerce, et lancer des campagnes initiales avec des Key Opinion Leaders (KOLs). Au-delà de ces fondamentaux, une marque doit proposer une histoire captivante et un positionnement de marché bien défini pour réussir en Chine. Sans ces éléments, le coût d’acquisition client devient rapidement insoutenable. Les marques qui réussissent en Chine partagent souvent certaines caractéristiques : elles proposent un produit unique et difficile à imiter, disposent d’un solide héritage de marque, définissent des objectifs clairs de valeur marchande brute (GMV) et de rentabilité, et ont un plan de croissance solide sur cinq ans.
Quelle est la clé pour réussir le branding à l’international ?
La clé d’un branding efficace à l’international réside dans la localisation et la visibilité. La localisation consiste à développer un nom de marque local, à adapter les produits ou services aux besoins du marché cible et à collaborer avec des partenaires adéquats. Compter uniquement sur un partenaire chinois pour pénétrer des marchés occidentaux comme les États-Unis ou l’Allemagne n’est pas suffisant ; il faut des équipes à la fois en Chine et sur le terrain dans le marché cible. Si les origines chinoises ne sont pas toujours perçues positivement, mettre en avant les atouts du produit dans la communication peut faire la différence. Les marchés occidentaux sont également plus coûteux, avec un environnement commercial différent, par exemple aux États-Unis, où les marges de négociation des délais de paiement avec les plateformes média sont limitées. Comprendre ces dynamiques spécifiques est essentiel pour éviter des erreurs coûteuses.
Comment voyez-vous l’évolution du rôle des KOLs sur les marchés chinois et internationaux ?
Le rôle des Key Opinion Leaders (KOLs) reste essentiel pour le succès des marques en Chine, mais il évolue. En Chine, les KOLs ne se contentent plus de promouvoir des produits, ils sont intégrés dans le développement des produits et la stratégie de marque. Les marques collaborent avec les KOLs dès le début du cycle de vie du produit pour co-créer des articles qui résonnent directement avec leur audience. En revanche, le marketing d’influence en Europe et aux États-Unis est encore en pleine évolution. Dans ces marchés, les influenceurs ne sont pas encore aussi intégrés dans le cycle de commerce qu’en Chine. Cependant, avec l’essor du live commerce en Occident, il est probable que les influenceurs y jouent bientôt un rôle plus actif dans la stimulation des ventes, à l’instar de leurs homologues chinois.
Quels sont les principaux défis pour les marques chinoises souhaitant s’étendre sur les marchés occidentaux ?
Les marques chinoises qui s’implantent en Occident font face à des défis majeurs, notamment les différences culturelles, les exigences réglementaires et les variations de comportements des consommateurs. Les marques sous-estiment souvent à quel point les marchés occidentaux diffèrent de la Chine. L’approche marketing qui fonctionne bien en Chine — généralement rapide et dynamique — nécessite souvent des ajustements pour plaire aux audiences occidentales. Naviguer dans les exigences réglementaires représente également un obstacle important, avec des différences dans les lois de protection des données, les certifications de produits et les normes publicitaires, qui nécessitent toutes une expertise locale approfondie. En outre, les marques chinoises peuvent rencontrer des problèmes de perception en Occident. Pour rivaliser avec les marques établies, les entreprises chinoises doivent se concentrer sur la construction de la confiance et sur la qualité des produits aux normes occidentales.
Comment envisagez-vous l’avenir du e-commerce transfrontalier dans les cinq prochaines années ?
Dans les cinq prochaines années, je prévois une convergence des approches de e-commerce à travers les régions. L’influence de la Chine sur les tendances du e-commerce occidental est indéniable : le live commerce, les super-applications et le shopping social gagnent en popularité en Occident. Dans le même temps, les entreprises chinoises s’inspirent des pratiques occidentales, en mettant davantage l’accent sur le branding et la création d’expériences de vente centrées sur le client. On peut s’attendre à une intégration plus fluide du commerce au sein des plateformes sociales, une utilisation accrue de l’intelligence artificielle pour des expériences d’achat personnalisées, et une importance grandissante de la durabilité. Les consommateurs deviennent de plus en plus sensibles aux origines et aux méthodes de production des produits qu’ils achètent, et les marques alignées avec ces valeurs auront un avantage certain. Le e-commerce transfrontalier évoluera au-delà de la simple entrée dans de nouveaux marchés pour créer une expérience d’achat véritablement intégrée au niveau mondial.